Que la question de l’infinité spatiale
de l’univers soit dépourvue de sens (voir plus haut) n’empêche pas qu’on
puisse faire l’hypothèse de son caractère fini pourvu que cette hypothèse rende
compte des données observationnelles. C’est l’hypothèse, par exemple, de
Jean-Pierre Luminet, des univers chiffonnés. Plutôt que la question de la finitude de l'univers, d'ailleurs, c'est la question de sa grandeur apparente qui intéresse les chercheurs. L’univers réel est plus
petit que l’univers observable.
I. Le modèle de Friedmann
En 1922, Friedmann s’empare de la relativité générale à
partir des équations de laquelle il construit un modèle d’univers.
Il découvre (et cette découverte
est extrêmement importante puisqu’elle est à la base de toutes les théories
cosmologiques à venir) que les équations de la relativité admettent des
solutions dynamiques Autrement dit, l’espace-temps n’est pas donné
une fois pour toutes, il évolue. L’univers a une histoire. Il a donc eu
un commencement. Ce qu’Einstein refuse à l’époque puisqu’il pense, comme
les classiques, que l’univers est éternel et statique (ce pourquoi il introduit
sa fameuse constante cosmologique, expression d’une pression s’opposant
à l’effondrement gravitationnel d’un univers qui ne connaîtrait que la
gravitation). Avant de se rendre à l’évidence : l’univers est bien en
expansion.
Le modèle de Friedmann est indexé
à la densité de matière.
Selon ce modèle, l’univers est homogène,
isotrope et plat (ensemble d’hypothèses qui seront confirmées par
l’analyse du fond diffus cosmologique et qui reçoivent le nom de principe
cosmologique, garantissant la validité des lois de la physique en tout
point. Les données de Planck ont permis d'établir un paramètre de courbure se situant dans une fourchette de 0.0008+/- 0.0040, donc, en effet, très voisin de zéro).
Trois paramètres sont à prendre
en compte : 1) la constante de Hubble qui définit le taux
d’expansion de l’univers, 2) la densité de masse qui mesure le
rapport entre la densité de l’univers étudié et la densité critique qui définit
un espace-temps plat à grande échelle, 3) la constante cosmologique
définissant une force opposée à la gravitation.
Alors, de deux choses l’une : ou bien la densité de
l’univers est élevée ( > 1) et la gravitation finit par l’emporter, l’espace
se courbe sur lui-même et l’univers se contracte jusqu'au Big-Crunch (retour à
son état initial). L’univers devient elliptique et fermé. Ou bien la densité
est faible (< 1) et l’univers est en expansion indéfinie (la densité
continuant du même coup à décroître).
La structure de l’espace-temps est donc liée à la
question de la densité. Si p > 1, (modèle sphérique) l’univers a une courbure
positive (grossièrement : sphérique) et l’univers est fermé. Si p < 1, (modèle
hyperbolique) il a une courbure négative (grossièrement en selle de
cheval) et l’univers est ouvert. Si p = 1, (modèle euclidien) il est plat (ce que toutes les observations
actuelles tendent à montrer).
II. L’univers chiffonné
1. Les formes de l’espace
Les paradoxes liés à une conception de l’univers comme espace fini ou
comme espace infini trouvent leur résolution au XIXème siècle dans l’idée d’un espace
fini sans bords formalisé par de nouvelles géométries intéressées par la
question de la courbure de l’espace : Riemann (courbure
positive : la somme des angles d’un triangle y est > 180° et deux
parallèles s’y croisent), Gauss (courbure nulle, espace euclidien : la
somme des angles d’un triangle y est = 180° et deux parallèles ne se rencontrent
jamais), Lobatchevski (courbure négative : la somme des angles d’un
triangle y est < 180° et deux parallèles divergent).
2. Le comportement de l’espace-temps
La relativité générale établit dès 1915 que la gravitation n’est
pas l’expression d’une force, mais une propriété géométrique de
l’espace non-euclidien. L’espace-temps est déformé, courbé au voisinage des
masses, des énergies, des rayonnements. Les équations d’Einstein décrivent la
relation entre la masse, l’énergie, le rayonnement, d’un côté et, de
l’autre, le degré de courbure de
l’espace.
Le trou noir, par
exemple, est une prédiction théorique de la relativité générale. Il est ce qui
doit arriver à l’espace-temps, lorsque la masse devient extraordinairement
grande. Le trou noir déforme l’espace autour de lui. Derrière Saturne,
l’anneau de glace n’est pas visible. Derrière un trou noir, le disque
d’accrétion doit être visible étant donné la très forte courbure de l'espace.
(Première image d'ordinateur d'un trou noir avec son disque de gaz, due à Jean-Pierre Luminet. 1979)
Le trou noir déforme l’espace derrière lui.
C’est l’effet de lentille gravitationnelle (voir plus haut). L’astre
observé derrière le trou noir verra son rayonnement dévié par la courbure de
l’espace engendrée par la masse que représente le trou noir situé entre l’astre
et l’observateur. Ce dernier verra donc plusieurs images (en fait un anneau, l’anneau d’Einstein, mais que les
conditions d’observation ne permettent généralement pas de voir comme tel) de
la source, situées de part et d’autre du plan du trou noir. Ci-dessus, c'est l'arrière-même de l'anneau formé par le disque d'accrétion qui est, à cause de la très forte courbure de l'espace au voisinage de l'horizon du trou noir, devenu visible (à la différence de l'anneau de Saturne qui reste caché derrière une planète dont la masse ne déforme pas l'espace autant qu'un trou noir.
(ci-dessus à droite, un mirage gravitationnel dû à
l’observation d’un pulsar situé derrière une galaxie, au centre, et non
derrière un trou noir).
3. L’univers chiffonné
a. Selon le principe
cosmologique, dans l’univers, la matière est distribuée de manière
homogène et uniforme. La courbure de l’univers est elle-même uniforme
c’est-à-dire la même en chaque point.
Cette courbure est ou positive
(espace fini sans bord) ou négative ou nulle (et dans ces deux cas, espace fini
ou infini).
Cet espace est un espace-temps
donc un espace dynamique. Il a donc tendance à se dilater ou
à se contracter. L’espace a donc une histoire.
L’univers observé, on l’a
vu, est fini, borné par un horizon et centré sur nous. Il est borné par un
horizon cosmologique et son rayon est d'à peu près 50 milliards d’années-lumière.
L’hypothèse est que l’univers réel est fini sans bord et plus
petit que l’univers visible. C’est la forme même de l’espace (chiffonné)
qui produit le mirage topologique d’un univers plus grand qu’il n’est en
réalité. Sur un espace plan euclidien, le rayon lumineux envoyé par une étoile
donne une image. Sur un espace plan euclidien, mais cylindrique, la même
étoile donne plusieurs images. Sur un espace euclidien, mais en tore
plat, la même étoile donne deux images situées en deux endroits.
La lumière arrive des deux côtés à la fois.
Ainsi, l’espace observable est peuplé d’images fantômes
qui semblent multiplier des objets de l’univers.
Si on passe d’un espace torique à un espace sphérique
dodécaédrique, la démultiplication des rayons lumineux produit un univers
apparent encore plus grand que dans le tore et bien plus grand que ce qu’il est
en réalité.
b. Les
« fondements » de la théorie (indices)
Des observations relatives à la
vibration de l’espace à partir de l’étude du fond diffus cosmologique, semblent
mettre en question l’idée que l’univers est infini. Ci-dessous, en rouge, la
courbe théorique du spectre de puissance (analyse de l’intensité des
vibrations) issue du modèle standard du big-bang. En points noir les données
observées. Tout coïncide jusqu’à un certain point. A une très grande échelle,
il ne vibre pas autant qu’il « devrait » s’il était infini. De même
qu’une corde d’instrument de musique peut aller à l’infini dans les aigus (on
peut toujours diviser la longueur de la corde). En revanche, il y a
forcément une coupure dans les graves, due à la longueur finie de la
corde. L’espace de l’univers, de même, trop petit, ne peut plus vibrer sur une
certaine longueur d’onde.
L’espace sphérique dodécaédrique rend assez bien compte de la courbe.
L’univers observable a un rayon de quelques 50milliards
d’années-lumière. L’univers physique aurait, dans cet espace, seulement 43
milliards d’années-lumière.
c. Confirmation ?
S’il en est ainsi, on devrait voir dans le rayonnement du fond diffus
cosmologique des paires de cercles identiques puisque chaque cercle ne
serait rien d’autre que la même intersection du plan d’un pentagone avec la
sphère. L’un des deux cercles de la paire serait une image fantôme.
Ci-dessus, la position
des 12 cercles corrélés trouvés dans les données du satellite WMap par une
équipe franco-polonaise, en parfait accord avec le modèle PDS (espace
dodécaédrique de Poincaré, donc de Luminet). Les centres des cercles
correspondent aux centres des faces du dodécaèdre fondamental, déterminés par
leurs coordonnées galactiques. La probabilité pour que le modèle LambdaCDM
(modèle cosmologique incluant matière noire et énergie noire) plat et infini reproduise par hasard une telle configuration n'est que 7 %.
Malheureusement, les observations plus précises du satellite Planck ne paraissent pas confirmer ce modèle
(PDS) et l’hypothèse des univers chiffonnés semble remisée au placard des
théories brillantes et très astucieuses mais non conformes aux données.
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