mercredi 1 février 2023

Chapitre 6. La cosmologie – 3. L’organisation de l’univers



L’essentiel des informations sur lesquelles s’appuie le modèle cosmologique standard (du Big-bang) provient des observations du ciel primordial (le fond diffus cosmologique) prédit par Gamov en 1948, détecté par Penzias et Wilson en 1965, observé par les satellites COBE (1989), WMAP (1995) et PLANCK (2009 à 2012).

1. Le rayonnement fossile : le fond diffus cosmologique.

L’expansion a dilué aussi bien l’énergie de la radiation  que la matière. Celle de la radiation diminue plus vite par le décalage qu’elle subit vers le rouge. En regardant à l’envers, vers l’origine, l’énergie de radiation à l’inverse augmente plus vite. Au départ la radiation devait être le principal constituant de l’univers. Pendant les premiers milliers d’années, l’univers était petit, dense, chaud et dominé par la radiation.

Cette radiation a mis 13 milliards d’années à nous parvenir. Tant que l’univers ne s’est pas suffisamment refroidi, les photons sont incapables de circuler librement au milieu du magma (rappelons qu’ils mettent plusieurs centaines de milliers d’années pour sortir du soleil !). Il a fallu attendre 380 000 ans pour qu’ils soient libérés. L’univers devient alors visible puisque lumineux et cette lumière, donc, met 13 milliards d’années à nous parvenir. Avant, il est opaque. A 380 000 ans, les premiers atomes (d’hydrogène) apparaissent, les électrons se liant aux protons. Le refroidissement a fait perdre aux photons suffisamment d’énergie pour qu’ils ne puissent plus systématiquement changer les niveaux d’énergie des électrons (voir plus haut), ils traversent donc le vide des atomes et rayonnent dans ce vide. Par la suite, la température de l’univers continue à diminuer (du fait de l’expansion) et, du coup, les photons perdent encore de leur énergie. Cette température est aujourd’hui en moyenne de 2,72°k (-270,43 °C).

A la suite de la grande inflation, l’univers est homogène, isotrope et plat (ce sont les trois paramètres cosmologiques). Ou plutôt, à peu près homogène et isotrope. Mais vraiment à très peu près puisque la carte du fond diffus donne des écarts thermiques qui ne diffèrent entre eux que de 1 1000ème de degré k (écart entre le point le plus chaud et le plus froid). Mais ces très petites différences sont à l’origine de la structuration de l’univers.

 
(De plus en plus précis : COBE, WMAP, PLANCK)

Ce que montrent ces cartes du ciel, ce sont donc d’infimes écarts de température. Les endroits les plus froids (bleu) sont ceux où il y a la plus forte densité de matière. Ils vont évoluer vers la formation de galaxies et d’amas de galaxies. Les plus chauds (rouges) moins denses vont tendre à se vider au profit des plus froids.

En outre, le satellite Planck a observé l’existence d'une polarisation du fond diffus, montrant ainsi les vibrations de l’univers primordial. L’image ci-dessous est dynamique et montre les directions privilégiées de ces vibrations. C’est le dernier résultat des rencontres de la lumière avec les électrons. On obtient ainsi des informations sur la distribution de la matière dans le plus jeune univers. (Dans les images ci-dessous, les différences de couleurs sont des différences de température, les différences de texture les directions de la lumière polarisée).




Soyons précis. On admet que le champ de polarisation comporte deux composantes appelées mode E et mode B. Le mode E correspond à un champ de vecteurs radial et le mode B comme un champ de vecteurs « tourbillonnant ». (Voir ci-dessous)

 
La présence de modes B serait due à l’effet d’ondes gravitationnelles produites au moment de la grande inflation et que BICEP2, en 2014, pensait avoir détecté.

La pertinence du modèle du big-bang, déjà éprouvée par la vérification des prédictions relatives à l’existence d’un rayonnement fossile et à l’homogénéité de celui-ci, est confirmée par les correspondances avec les données recueillies par Planck en 2012 : relativement au spectre de puissance en température (TT), en polarisation scalaire (EE) et au croisement des deux (TE). Sur les graphiques ci-dessous, en ligne continue : les prédictions du modèle, en points : les données observées. On obtient dès lors les 6 paramètres cosmologiques avec des degrés d’erreur très faibles et l’âge de notre univers 13 799 +ou – 0,038 années (soit une incertitude de 0,3% ).
2. Déduction de la répartition des masses

a. Le fond diffus est visible à 13 milliards d’années. Concevons-le comme la paroi la plus éloignée d’une boite rectangulaire. Le ciel que nous observons aujourd’hui est la paroi la plus proche. Toute la distance qui sépare ces deux parois est (en épaisseur, donc) l’histoire de l’univers. Un photon partant du fond se dirige en ligne droite vers la paroi la plus proche. Pourtant, sa trajectoire est courbe. Elle est courbe parce que l’espace-temps sur lequel elle se « promène » est courbé par les masses (galaxies, etc) que le photon rencontre et dans l’espace et au cours du temps.


On peut ainsi « visualiser », à travers cette déformation de trajectoire l’évolution des masses issues de la configuration originelle du fond diffus. Connaissant la carte du rayonnement fossile, constatant ce qui nous parvient, on est en mesure de repérer les masses qui ont perturbé le chemin parcouru par la lumière (en fait, comme il faut 3 milliards d’années, à partir du rayonnement du fond pour que les masses se constituent, se structurent, on voit apparaître cette déformation de trajectoire du rayon seulement à partir de cette période).


b. On vérifie ensuite au moyen du fond diffus infrarouge qui est la somme des poussières des galaxies qui s’interposent entre nous (notre époque) et le fond diffus (380 000 ans après le Big-bang) qui nous renseigne à son tour sur les masses. Plus elles sont éloignées, plus leur spectre tend vers le rouge (ce qu’on nomme le redshift).

Remarque : Le redshift est un décalage comparable à l'effet Doppler pour l'onde sonore qu’on remarque au passage d’une ambulance ou d’une voiture de pompiers). Lorsqu'une source lumineuse s'éloigne, les longueurs d'onde augmentent (tirent vers le rouge). Si elle s'approche, les longueurs d'onde diminuent (tirent vers le bleu : bleushift).



c. Enfin, par effet de lentille gravitationnelle, on observe que la lumière se distribue de façon différente selon qu’il y a concentration de masse (galaxies, amas) ou dispersion. La lumière du rayonnement fossile est focalisée dans le premier cas, dispersée dans le second. Quant au vide, il n’a aucun effet et n’affecte pas la géodésique (le trajet) du rayon lumineux.

Remarque 1. On parle de lentille gravitationnelle lorsqu’on veut observer et calculer une masse invisible (cachée ou de matière noire, voir plus loin) dans l’univers qui nous entoure. On pointe le télescope en direction de la masse en ayant soin que celle-ci s’intercale entre l’observateur et une étoile placée plus loin. La courbure des rayons qui émanent de l’étoile, à proximité de la masse à mesurer, indique l’effet de la gravité sur le rayon lumineux et permet la mesure de la masse causant cet effet.
Remarque 2. Comment un photon dont la masse est nulle peut-il être soumis à la gravitation ? Encore une fois, la gravitation n’est pas une histoire de force, mais (voir plus loin la Relativité générale) de courbure de l’espace. Celui-ci est creusé par la proximité d’un corps massif de sorte que le rayon lumineux (qui va toujours en ligne droite) est courbé en suivant la déformation de l’espace.



d. L’effet de lentille portant sur le fond diffus cosmologique permet de repérer la masse totale (masse baryonique, celle de la matière que nous connaissons + masse noire, voir plus loin). Le fond diffus infrarouge localise la masse baryonique. On est alors en mesure de déterminer les proportions de ces diverses masses.



Divers problèmes subsistent pourtant. En particulier les trois suivants :
  1. Si on calcule la masse de l’univers, elle est très supérieure à la masse de l’univers visible (baryonique). Il doit y avoir une masse cachée : celle de la matière noire.
  2. Si on observe le mouvement des étoiles au bord des galaxies, ou des galaxies autour du centre de leur amas,  la force centrifuge devrait les arracher à moins qu’une masse non décelée (environ 10 fois plus importante que la masse mesurée) soit présente pour garantir la cohésion gravitationnelle de l’ensemble : celle de la matière noire..
  3. Enfin, alors qu’au niveau cosmologique seule l’attraction gravitationnelle entre en jeu, comment comprendre que l’univers ne s’effondre pas sur lui-même du fait de cette attraction mais qu’au contraire il se dilate et même que son expansion est accélérée ? Ce serait l'effet de l'énergie noire.

Deux hypothèses répondent donc à ces difficultés : celle de l’existence d’une matière noire et celle de l’existence d’une énergie noire.

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Annexe : Comment Planck cartographie le ciel. Pendant 30 mois, opérant 5 relevés complets du ciel.
















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