Au niveau cosmologique, c’est l’interaction
gravitationnelle seule qui entre en jeu, donc l’attraction. En fonction de
cela, le destin de l’univers devrait être de se contracter et pour finir de
s’effondrer. Il devrait s'achever en trou noir. Or (Hubble) on constate au contraire une expansion, mieux, une expansion accélérée. Pas une
expansion des étoiles ou des galaxies qui s'éloigneraient les unes des autres, mais une expansion de l’espace, expansion qui
éloigne les galaxies les unes des autres. Il faut donc supposer une énergie du
vide quantique qui aurait des effets répulsifs susceptibles de compenser
les effets attractifs et d’accélérer
l’expansion de l’univers. Une force qui crée de l’espace.
1. La constante
cosmologique : L (Lambda)
Pour Einstein, l’univers n’a a
priori ni commencement ni fin. Pas d’histoire. Or justement, à cet égard,
sa théorie de la Relativité générale pose un problème. Dans un univers où seule
l’attraction gravitationnelle fonctionne, l’univers devrait évoluer vers un
effondrement progressif de tous les objets les uns sur les autres.
Pour sauver l’univers (et
surtout pour garantir sa stabilité, une absence d’histoire), Einstein introduit
en 1917, dans l’équation de la gravitation une constante cosmologique.
Sa signification est que l’espace vide est le siège d’une pression qui
tend à écarter les objets les uns des autres, une force de répulsion qui
compense exactement les effets de la gravitation. La constante cosmologique est une propriété
de l’espace lui-même : où aE est le rayon de l’univers (rayon de la
courbure de la 3-sphère décrivant l’espace, et L la
constante, une 3-sphère étant une sphère dans un espace à 4 dimensions).
Cette constante sera rejetée par Einstein en 1931 comme
« la plus grande erreur de (sa) carrière ». Pourquoi ?
2. L’expansion.
C’est qu’en 1930, Hubble découvre
par des mesures astronomiques, que l’univers est en expansion. Il n’est
pas statique, comme le croyait Einstein après Newton, il est dynamique.
Ce n’est pas, redisons-le, que
les objets célestes s’éloignent les uns des autres dans le vide, ce que
Hubble croyait encore, c’est que l’espace lui-même se dilate, ce que Lemaître,
appliquant la Relativité générale, postule. Il faut renoncer à une constante
qui ne faisait que maintenir l’univers dans un état stable, statique.
Mieux, en 1998, on découvre que
non seulement l’univers est en expansion, mais encore que cette expansion est accélérée.
On sait mesurer la vitesse
d’éloignement des supernovae (qui sont des chandelles standard, parce que leur courbe de luminosité est toujours la même, étant donné les conditions précises dans lesquelles elles se produisent) en observant la perte progressive de luminosité
(le décalage vers le rouge ou redshift, voir plus haut). En pratiquant
deux mesures à des temps différents, on constate qu’en conservant la vitesse on
ne retrouve plus la supernova ! C’est qu’elle s’est éloignée plus vite.
Il y a eu accélération.
Il faut donc revenir,
quoiqu’en un autre sens, à quelque chose comme la constante cosmologique :
à une énergie du vide dont la pression (la puissance répulsive) est plus
grande que l’attraction de la force gravitationnelle. Faire l’hypothèse d’une énergie
noire.
Cette accélération ne date pas des débuts de
l’univers. Elle est récente. Mais sa source est maintenant la composante
dominante de l’univers. Ce qui signifie qu’il y a eu auparavant un univers dominé
par la matière (donc une expansion, née de la grande inflation mais freinée
par la gravité, où la matière noire, encore peu dispersée, exerce sa force
d’attraction) avant qu’une transition de phase ait lieu vers un univers dominé
par l’énergie sombre (commencée il y a 5 à 7 milliards d’années) lorsque la
matière noire à présent suffisamment dispersée par l’expansion, ne parvient
plus à freiner autant la force de pression (et de moins en moins avec le temps
si bien que l’expansion ne peut aller qu’en s’accélérant).
Cette constante cosmologique, on la connaît aujourd’hui
avec une précision de 1,9% et la probabilité pour que cette valeur ne soit qu’un
effet des fluctuations statistiques n’est plus que de 1/100 000. Cette valeur
est de 74,03 km/s/mégaparsec, selon le télescope Hubble (valeur déduite de l’observation
des céphéides), 73,4 selon l'analyse Pantheon+ en collaboration avec l'équipe SHOES (2022).
Ainsi, toutes les 3,26 millions d'années-lumière (1 megaparsec) l'espace s'étend de 264 240 km par heure !
Toutefois, cette constante est donnée à seulement 67,4 km/s/mégaparsec par la
collaboration Planck (déduite des observations du rayonnement fossile) !
De sorte qu’il y a un conflit qui n’est pas encore résolu à l’heure actuelle. On tente aujourd'hui de prendre pour cible des quasars dont l'image est dédoublée ou quadruplée par l'effet de lentille gravitationnelle. Les images reçues d'un même quasar, selon le trajet parcouru, prendront plus ou moins de temps à nous parvenir, de sorte que la luminosité de ces images sera moins ou plus grande (à cause du redshift). De ce décalage, on espère déduire une vitesse d'expansion, donc la constante de Hubble. Toutefois, le conflit plus haut mentionné n'a pas encore trouvé sa résolution.
3. Nature de l’énergie noire.
Trois modèles
sont en concurrence pour expliquer la nature de l’énergie noire. Ces trois
modèles reviennent à considérer, évidemment, le rapport de la densité p (de matière ordinaire + noire) à la
pression P, selon
l’équation w = P / p, de façon à voir comment la densité
(rapport matière / volume) évolue. w exprime ce rapport et soit il est
égal à –1, soit il est compris entre –1 et 0 (quoique bien plus petit que 0),
soit il est plus petit que –1. Et ce sont là les trois destins possibles de
notre univers. (Il y a en réalité une multitude de modèles. On ne retiendra que
les trois plus caractéristiques).
a. Le
modèle de concordance ou LCDM (w
= -1)
L pour l’énergie noire (c’est le sigle
de la constante cosmologique) et CDM (Cold Dark Matter) pour la
matière noire.
Ce modèle identifie le vide
(l’énergie noire) à la constante cosmologique.
C’est le modèle d’un univers homogène, isotrope à courbure nulle
qui contient matière baryonique (ordinaire), matière noire et énergie noire.
Celle-ci est assimilée à la constante cosmologique.
C’est un modèle :
-qui intègre l’influence
gravitationnelle de la matière noire au sein des galaxies et des amas,
-qui donne une densité de matière
noire inférieure à la densité critique de l’univers (c’est-à-dire à la densité
pour laquelle l’espace-temps est plat),
-qui considère que la densité
totale de l’univers est très proche de la densité critique,
-qui rend compte de l’expansion
de l’univers (confirmée par l’étude de l’éloignement des supernovae à partir de
la diminution de leur luminosité),
-qui suppose donc une énergie
noire à effet répulsif,
-qui rend compte de la
distribution des galaxies à grande échelle.
Dans le modèle de concordance
l’équation d’état (w = P / p)
de L est w = -1
Ce qui veut dire que : à
une densité d’énergie positive (p)
correspond une pression (P) négative.
Dans le jeune
univers chaud, L est totalement
négligeable. Elle ne prend le dessus
que dans un univers refroidi. Lorsque P = - p (ce qui est le cas puisque w = -1) et bien que la densité d’énergie
soit positive, l’expansion est entretenue. A cette valeur de w la
cohésion des objets est suffisamment assurée par le pouvoir attractif des
matières baryonique et noire. C’est la distance entre ces objets qui ne cesse
de s’accroître. L’univers se refroidit.
Dans ce modèle, la densité de l’univers
diminue avec son expansion (moins de matière chaude ou froide dans un volume
plus grand) et la pression (l’énergie noire) reste constante en tous
points de l’espace donc augmente en valeur absolue avec le volume.
Résultat : la gravité le cède peu à peu et l’univers avance vers sa
dissolution. Accélération de l'expansion.
b. Le
modèle de quintessence ou RPCDM (-1 < w << 0)
L'hypothèse ici est que les lois de la Relativité
générale ne seraient que des approximations qui vaudraient localement mais ne
vaudraient pas à l’échelle cosmologique. On imagine ici une constante
cosmologique qui varie avec le temps. w peut évoluer avec, de -1 < w << 0
Si l’énergie noire en venait à se
diluer (au lieu d’être constante en tous points donc toujours plus grande en
valeur absolue), avec le temps, la gravité finirait par l’emporter et l’univers
s’effondrerait dans un Big Crunch
c. Le
modèle fantôme ou wCDM (w < -1)
Là, on doit remettre en question le
postulat fondamental de la cosmologie selon lequel l’univers serait homogène
et isotrope (postulat qui permet de calculer des distances et donc des
surfaces, des volumes, des luminosités). Si l’univers n’est pas conforme au
postulat, on a des erreurs systématiques sur le calcul des distances.
On suppose un w < -1
qui amplifierait l’accélération de l’expansion de telle sorte que toute forme
de matière devrait se disloquer d’ici à quelques dizaines de milliards
d’années. Ce qui serait le Big-Rip. On aurait une énergie dont la
densité augmenterait (pas seulement en valeur absolue) avec l’expansion et qui
accélèrerait à son tour ladite expansion jusqu’à dislocation complète des
atomes comme des galaxies.
Ci-dessous, les trois destins de l’univers conformes aux trois modèles :
Pour une comparaison animée des
trois modèles : http://www.deus-consortium.org/gallery/deus-fur-videos/
Le satellite Euclid lancé pour 6 ans à 1,5 millions de kilomètres de la Terre en juillet 2023 doit permettre de trier parmi les modèles qui se proposent aujourd’hui
d’expliquer l’accélération de l’expansion de l’univers. Il mesurera la
distribution de la matière noire et celle des galaxies au cours du temps. Il
explorera aussi la période de transition entre la période dominée par la
matière noire et celle dominée par l’énergie noire (à travers l’exploration de
10 milliards d’années).
4. Propriétés de l’énergie noire.
Elle constituerait actuellement 66,2% de notre univers.
On suppose que cette énergie noire a le comportement d’un fluide
parfait.
On suppose qu’elle se comporte comme les ingrédients de la
matière standard (particules).
On a donc une équation d’état qui relie sa pression à sa
densité w = P / p.. Pour donner un ordre d’idées, pour les photons, w = 1/3, pour la
matière noire ou standard, w = 0 (pour les galaxies, par exemple, dont la
vitesse de déplacement est faible, de l’ordre de 1000 km/s et pour lesquelles
donc P est complètement négligeable), pour l’énergie noire, selon le modèle, w
= -1 ou –1 < w << 0 ou w < -1.
5. Difficultés.
Dans la théorie quantique des champs, la densité
moyenne d’énergie et de pression des fluctuations du vide quantique (dont
l’existence est manifestée par exemple dans l’effet Casimir, voir plus
haut) est de l’ordre de (1094 GeV)4. On a là l’ensemble
des fluctuations du vide de l’univers.
Mais, le calcul de la densité moyenne d’énergie sombre, qui
est la source de l’expansion accélérée, donne une valeur qui est de l’ordre de
(1054 GeV)4 soit 10-29 g/cm3.
La différence des deux calculs donne 122 ordres de
grandeur de différence !!!
Même en introduisant les
particules super symétriques de la théorie des cordes, la différence est encore
de 58 ordres de grandeur. Ce qui est toujours inacceptable.
Ainsi, si w =
-1, rigoureusement, on est face à un véritable challenge tant pour la
cosmologie que pour la théorie quantique des champs.
Toute la question revient à déterminer la valeur de w. D’où les
trois modèles présentés ci-dessus. Et la mission EUCLID.
6. Avancées
L'étude BOSS (Baryon Oscillation Spectroscopic Survey), dont l'objet était de réaliser en 3D une carte des galaxies distantes de notre univers, aurait permis d'obtenir une mesure (sur la base de 1,2 millions de galaxies) de la quantité d'énergie sombre responsable de son expansion.
Le principe de cette mesure repose sur l'écoute des oscillations acoustiques des baryons apparues dans l'univers primitif, oscillations du plasma primordial entraînant une répartition des galaxies selon des sphères concentriques. Ces oscillations résultaient de l'opposition entre d'une part l'attraction par des régions plus denses en matière noire, de matière baryonique et, d'autre part, le rayonnement qui s'oppose à cette accumulation. Les mouvements oscillants sont le résultat de cet antagonisme. Des points de concentration de matière sont apparus et se sont renforcés avec le refroidissement et transformés en galaxies. En comparant la distribution originelle ainsi trouvée et la distribution actuelle des galaxies on mesure les effets supposés de l'énergie sombre.
Ces données sont tout à fait compatibles avec le modèle de concordance (LCDM).
Accessoirement, la théorie de la gravitation d'Einstein dont certains disaient qu'elle n'était peut-être pas aussi correcte à de très grandes échelles qu'à la nôtre, reçoit confirmation de sa validité.
_______________________________________________6. Avancées
L'étude BOSS (Baryon Oscillation Spectroscopic Survey), dont l'objet était de réaliser en 3D une carte des galaxies distantes de notre univers, aurait permis d'obtenir une mesure (sur la base de 1,2 millions de galaxies) de la quantité d'énergie sombre responsable de son expansion.
Le principe de cette mesure repose sur l'écoute des oscillations acoustiques des baryons apparues dans l'univers primitif, oscillations du plasma primordial entraînant une répartition des galaxies selon des sphères concentriques. Ces oscillations résultaient de l'opposition entre d'une part l'attraction par des régions plus denses en matière noire, de matière baryonique et, d'autre part, le rayonnement qui s'oppose à cette accumulation. Les mouvements oscillants sont le résultat de cet antagonisme. Des points de concentration de matière sont apparus et se sont renforcés avec le refroidissement et transformés en galaxies. En comparant la distribution originelle ainsi trouvée et la distribution actuelle des galaxies on mesure les effets supposés de l'énergie sombre.
Ces données sont tout à fait compatibles avec le modèle de concordance (LCDM).
Accessoirement, la théorie de la gravitation d'Einstein dont certains disaient qu'elle n'était peut-être pas aussi correcte à de très grandes échelles qu'à la nôtre, reçoit confirmation de sa validité.
On a jusqu’ici
traité de la question de l’origine de l’univers (le Big-bang), celle de
son évolution (la grande inflation), celle son organisation (avec la
matière baryonique et la matière noire) et celle de son expansion (avec
l’énergie noire).
Reste à
explorer les différents modèles proposés par la science pour cet
univers : comme les multivers, les univers chiffonnés, etc.
Mais il faut pour aborder ces questions d’ordre cosmologique de façon
compréhensible, passer d’abord par la théorie de la Relativité générale à
l’origine de la compréhension de l’interaction gravitationnelle. On reviendra ensuite à la cosmologie.
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